Sawadogo Stéphane pendant la finale |
Chaque année, le groupe les débats oratoires organise des joutes oratoires opposant les différentes universités ou instituts supérieurs. Cette année, notre département de philosophie (relevant de l’USTA) a participé au concours national d’éloquence avec 9 compétiteurs. Deux d’entre eux sont arrivés en final. Il s’agit de SAWADOGO Stéphane de la troisième année et de ROUAMBA Christophe de la deuxième année. NAKOLINDOUSSE Hyacinthe quant à lui, a reçu une mention spéciale du jury. La finale s’est tenue le samedi 20 Mars 2021 à l’Institut Français de Ouagadougou et Stéphane SAWADOGO a remporté avec brio le premier prix.
Nous vous proposons dans cette page, les textes des trois personnes citées plus haut. Le thème du concours était le suivant : Jeunesse contre la COVID-19.
Le texte du premier prix
Il y a des moments où l’émotion fait obstruer la voix, colle la langue au palais, et empêche la parole de sortir avec l’intensité qu’il se doit.
Le mois passé, en appelant mon ami de 21 ans au téléphone, je tombai sur son répondeur : "Salut, c’est Boris. Je ne peux pas vous répondre pour le moment. Laissez-moi un message et je vous rappellerai dès que possible." Dès que possible. Combien de fois me l’a-t-il dit ? "Dès que possible". Je lui ai laissé message sur message et le "dès que possible" n’est jamais venu. Et ne viendra jamais. Compatissant public, j’apprendrai plus tard avec le cœur inondé de tristesse que le criminel actif depuis décembre 2019 a abattu Boris. Je réalisai alors que le mythe selon lequel les jeunes sont invincibles est un leurre.
Je viens donc proclamer en ces lieux l’entrée solennelle de la jeunesse en guerre contre cet ennemi commun. Toutefois, certains pensent que la jeunesse est inutile dans cette guerre. À vous jeunes de ma trempe, laissez-moi vous rassurer que nous pouvons et devons aller au front, contre-attaquer, et neutraliser l’assassin. Néanmoins, la question demeure : quelle contribution efficace la jeunesse doit-elle apporter dans cette guerre ? Quand une bagarre est imminente et inévitable, la seule sagesse serait d’être le premier à administrer le coup de poing et adroitement. Trois stratégies permettront à la jeunesse de zigouiller cet impitoyable assassin.
Premièrement, un soldat doit croire en l’existence de l’ennemi et ne pas le sous-estimer. En effet, comment affronter un adversaire dont on ignore l’existence ? L’incrédulité et la négligence sont fatales pour un soldat au front. Ne nous laissons pas aller au charme de l’approximation. Lançons-nous plutôt dans la sensibilisation. Dans nos établissements scolaires et universitaires, les marchés, les lieux de cultes et lieux publics, jeunes, clamons l’existence de la COVID !
Notre deuxième stratégie est la protection. Elle consiste à porter correctement le cache-nez comme on enfile le gilet pare-balles en cas de danger. Ne nous lassons jamais de respecter les mesures de protections. Même le bouc ne se fatigue jamais de porter ses testicules. Il est bien vrai que cela est pénible mais ce n’est qu’une phase que nous traversons comme des règles douloureuses pour reprendre l’expression de Kopano MATLWA. De même, tant que le dolo n’est pas terminé, la dolotière doit supporter et les caprices des mouches et les salutations inopinées de ses visiteurs.
Troisièmement et enfin, j’estime que la plus grande contribution de la génération dite tête baissée est d’éviter d’intoxiquer le moral des troupes avec un tsunami de fausses informations. La diffusion d’informations erronées sape la riposte des combattants. Boire l’alcool ou ajouter du piment dans votre soupe ne permet pas de prévenir ni de guérir la Covid-19. Prenons ses fausses informations en otages. Sachons par ailleurs que publier des balivernes en tant de crise est pire que livrer des secrets de défense à l’ennemi. L’OMS forgera même le néologisme Infodémie pour désigner la diffusion rapide de rumeurs et de fausses informations. Ressaisissons-nous donc lorsque nous sommes sur les réseaux sociaux. Nos QG doivent être des lieux où les vraies informations circulent. Il faut se taire en un moment et je me tairai moi-même bientôt.
Pour ma part, je me hisserai au-dessus de la mêlée en prenant la COVID19 au sérieux. Soyons stricts dans le respect des mesures de protections. Ne nous contentons pas de passer la serpillère face à l’eau de la baignoire qui coule, coupons le robinet. Disons non à une liberté suicidaire. Hans Jonas dira dans Le principe responsabilité que nous avons à la limite le droit de nous suicider mais pas celui de provoquer un suicide collectif. En attendant le vaccin anti-COVID, Jeunes, vaccinons-nous d’abord contre l’infodémie qui est une autre pandémie à endiguer. Ne pensez pas que je suis en train de stimuler les jeunes à péter plus haut que leurs derrières. Non, nous pouvons mettre à profit notre ingéniosité comme Ricard Kwarteng afin de bouter la pandémie. Jeune ingénieur au Ghana, il a inventé un évier pour le lavage des mains alimenté par l'énergie solaire, en recyclant un baril.
Illustres membres du jury, charmante assemblée, je me suis laissé emporter par la pandémie qui me pourfend le cœur et j’ai failli oublier les règles de civilité. Recevez mon modeste bonsoir. Et paraphrasant Karl Marx, je terminerai en proclamant : Jeunes de tous les pays unissons-nous contre la covid-19. Je vous remercie !
SAWADOGO Stéphane Marie Tegwênde, Licence III
Les autres textes
« L’esclave qui n’assume pas sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur, s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir, seule la lutte libère »
Cher auditoire, chers membres du jury, cette citation empruntée à l’éminent Capitaine Thomas Sankara nous est plus que jamais adressée, à nous jeunes, et doit par conséquent sonner à nos oreilles comme un appel pressant à la révolte, résonner à nos oreilles comme une interpellation vive à la lutte libératrice, car trop c’est trop. Trop de morts par-ci, trop de malades par-là, des entreprises fermées, des rencontres annulées…Et dire que tous ces malheurs nous viennent de l’impérialiste aux couronnes, de l’impérialiste marqué de symbole 19, celui-là que le dytanié a appelé « la rapacité venue de loin pour vous asservir ».
Si je suis ici, c’est pour que la jeunesse se révolte et lutte justement contre cet asservissement, car seule la lutte libère.
Je vois que tout le monde ne comprend pas ce que je veux dire, reprenons donc l’histoire à zéro.
Il était une fois un grand village appelé ‘’dunia’’, un village dans lequel vivait également l’un des droits les plus fondamentaux de l’existence humaine : la mère liberté. Fort de cette liberté, les hommes pouvaient se saluer en se serrant les mains, ils pouvaient s’embrasser ; mieux, les mosquées et Églises étaient toujours ouvertes pour accueillir tous ceux qui voulaient s’y rendre pour prier. Bref, c’était l’harmonie.
Puis un jour, surgit comme par enchantement, une rapacité constituée de vautours ayant chacun à sa tête la marque de ‘’décembre 19’’. Ces vautours donc, par cette rapacité constituée, firent tomber l’économie, fermèrent Mosquées et Églises et confinèrent les hommes. En un mot, ils tuèrent la liberté. La mère liberté étant donc morte et les hommes confinés, les vautours éliminèrent les hommes ‘’one by one’’, noirs et blancs, hommes et femmes, jeunes et vieux, on les faisait passer au crible d’une série de frissons de fièvre, de maux de tête et même de diarrhée.
Mesdames et Messieurs, inutile de dire que vous et moi, nous sommes dans ce village et que si nous voulons nous en sortir, nous devons lutter, nous devons nous révolter. Dès lors, un seul slogan, une seule devise, une seule citation doit régir la jeunesse : « Bouter la covid-19, puisque c’est elle l’impérialiste, hors de la planète terre ». Pour ce faire, les moyens nous sont donnés, les armes nous sont données. Mais avant tout, avant tout, la jeunesse doit croire et accepter que la maladie existe. La plus grande ruse du démon, c’est de vous faire croire qu’il n’existe pas, pour faire plus de victimes. On peut douter de tout, sauf de l’évidence, nous conseille Descartes.
Enfin, on pourrait créer aux seins de établissements, des groupes. Des groupes à l’image des CDR (Conseil de la révolution) qui investiguaient et espionnaient pour le compte de la révolution. Des groupes formés de jeunes et qui seront chargés non pas d’espionner mais de sensibiliser en milieu scolaire et universitaire. J’ai inventé dans ce sens, le ‘’CLAC’’ : Comité de lutte anti-covid, que je propose aux établissements qui en veulent. Je veux dire en un mot, de sensibiliser les jeunes par les jeunes, de nous responsabiliser, de nous impliquer fortement dans la lutte anti-covid. Quant à moi, j’ai toujours mon gel hydroalcoolique et un deuxième cache-nez car on n’en sait jamais. « Le philosophe convainc son interlocuteur, mais le débatteur, outre de convaincre, persuade ». C’est sur cette citation de Fénelon que j’aimerais terminer mes propos, moi convaincu que vous, vous êtes persuadés de la nécessité de lutter contre la covid-19.
Cher auditoire, distingués membres du jury, recevez je vous prie, mes sincères salutations. La patrie ou la mort, nous vaincrons. Merci.
ROUAMBA
Christophe Ismaël, Licence II
Chers membres du jury, bonsoir !
La nuit dernière j’ai fait un rêve qui m’a permis d’avoir un rêve. Oui, dans ce rêve, à 90 ans, je suis assis majestueusement dans un fauteuil, pas en tant que Roi, mais entouré de mes petits-enfants, en train de gazouiller et de me poser mille et une questions. L’un d’eux me posa cette question intéressante : « Papy, j’ai vu une de vos photos que vous avez prise portant un cache-nez, cela était-il dû à la poussière ? expliquez-nous, papy ». Voici ce que fut ma réponse : « Fistons, la poussière n’en était pas la raison, mais une maladie causée par un virus qu’on appelait Covid-19. Ce petit virus est apparu en 2019 à Wuhan et en une fraction de seconde, il circulait déjà dans nos veines ; riches comme pauvres ont langui car personne n’était à l’abri. Il a mis tout le monde à genou, et en sens dessus-dessous. Quarantaine, confinement, cache-nez et mesures barrières étaient les maitres-mots. En ce moment, j’avais 20 ans, la fleur de l’âge ». Et c’est là que brusquement je me suis levé de mon sommeil profond et me suis rendu compte que dans la réalité, j’avais 20 ans.
Chers membres du jury, à mon réveil, je me suis dit que pour que mon rêve se réalise, il me faudra 70 ans à parcourir, 70 ans pour lutter et pour travailler. Mais il me faudra d’abord vaincre la covid-19 qui nous malmène dans tous les sens, car elle est cause de plusieurs de nos maux. En suis-je capable ? Jeunes du Burkina et du monde entier, en sommes-nous capables ? Oui, nous pouvons et nous devons vaincre cette covid-19 une fois pour toutes.
Certes, le combat se mène déjà, mais il reste à être achevé. Depuis fin 2019, les jeunes que nous sommes n’avons ménagé aucun effort pour aider à la maîtrise de la covid-19. Dès les premiers instants de la pandémie, des lave-mains adaptés ont été fabriqués par des jeunes, des masques confectionnés par des jeunes, des jeunes artistes ont donné de leur voix pour la sensibilisation, des jeunes agents de santé ont pris en charge les contaminés et les autres malades ; même au sommet, des jeunes ont occupé des postes de responsabilité pour la lutte. Par exemple, le Président Emmanuel Macron en France, le docteur Brice Bicaba au Burkina Faso, pour ne citer que ceux-là. Jeune, toi aussi tu dois prendre ta place dans ce combat, arme-toi donc, où que tu sois et qui que tu sois.
Jeune, tu as de bonnes raisons, et même que tu as raison de lutter. Tu sais que tu peux résister facilement à la maladie et tu veux préserver la santé de tes parents et grands-parents qui sont la population vulnérable. Tu sais que les mesures barrières sont en contradiction avec tes désirs et volontés : le masque dénature ton look, tu veux t’éclater en boite avec tes amis mais le confinement ne le permet pas, tu veux sortir jouer au foot ou au basket, tu veux aller à l’école ou à l’université pour te former, tu veux suivre un match du Réal, du Barca, du PSG, de la Juventus, en club ; mais les mesures barrières ne le permettent pas. Bref, tu vois, tu dois vaincre la covid-19 et tu en es capable.
Actuellement, alors que nous avons renforcé notre armement pour le combat-je parle des vaccins-, la covid-19 quant à elle veut nous défier sur d’autres terrains : les variants covid. Tout compte fait, pour vaincre totalement la covid-19, les vaccins sont plus que jamais nécessaires, à condition que tous les hommes soient vaccinés sans exception de race, de culture ou de moyens financiers. Jeunesse, lève-toi et bats-toi afin que tous les hommes soient vaccinés. Participe à la recherche, plaide, oui, plaide auprès du G7, ou auprès du G20 ou encore auprès de l’ONU pour que les vaccins soient facilement accessibles et efficacement préventifs ; développe ta créativité pour conscientiser, surtout les sceptiques qui ne croient toujours pas à l’existence de la maladie. Bats-toi, jeunesse, tu as les forces nécessaires, ton sang bouillonne. Oui tu le peux ! Surtout écoute attentivement les vieux qui savent car toi, tu peux. Jeunesse du Burkina Faso, de l’Afrique et du monde entier, c’est cela notre rêve commun, c’est-à-dire, vaincre à jamais la covid-19. Ainsi, nous pourrons vivre dans un havre de joie et de liberté ; et un jour viendra où nous pourrons raconter à nos petits-enfants ce qu’a été cette fameuse covid-19. Je vous remercie.
NAKOLINDOUSSE
W.R.M Hyacinthe, Licence II